Qu’est-ce qui définit une start-up ? Est-ce sa taille ? Son domaine d’activité ? L’âge de l’entreprise ou celle de son capitaine ? Son style de management ? Voire son ambition ? Ou son ambiance ? Aucun de ces critères ne semble décisif et irréversible pour la définir.

Une start-up est une entreprise en devenir. Et, pour cela, elle est radicalement innovante. Elle innove jusque dans sa façon d’innover. Par une forme d’innovation au carré. Si innovante d’ailleurs que ce qu’elle propose n’existe par définition pas encore.

De ce fait, une start-up ne se contente pas de ce qui existe, des règles du marché telles qu’elles sont en vigueur. Son existence même milite pour une nouvelle donne, pour une disruption des codes et des canaux en cours.

Comment dès lors donner corps à l’identité d’un projet qui n’existe pas encore ?

L’enjeu est radicalement opposé à celui d’une entreprise dite « classique » : si cette dernière doit donner à voir sa place et son importance sur le marché, la start-up quant à elle, doit donner à voir le nouveau marché dans lequel elle va prendre toute sa place. De ce fait, les outils corporate classiques, qui définissent la place de l’entreprise en terme d’offre et de demande, se révèlent pour elle inopérants.

Là où une entreprise classique est fatalement réactionnaire dans le sens qu’elle souhaite maintenir en place les règles du marché en sa faveur, la start-up est, par essence, révolutionnaire. Elle est celle par qui les nouvelles règles de marché vont arriver. Mais dès lors comment engager son public – les investisseurs, les partenaires, les associés et les premiers clients – dans cette révolution ?

Un outil a fait ses preuves pour annoncer et préparer aux révolutions, c’est le manifeste. Qu’il annonce des révolutions artistiques ou politiques, c’est l’outil qui réussit à transformer le verbe en action.

Du manifeste, on retient généralement la partie « credo », l’expression de valeurs… C’est pourtant l’aspect le moins important et le plus convenu d’un manifeste. L’enjeu primordial pour un manifeste ce n’est pas tant l’expression des valeurs que l’incarnation d’une vision. Celle qui rend la révolution palpable et crédible, mieux inéluctable.

C’est donc moins sa force rhétorique que sa puissance narrative qui est l’enjeu.

Prenons le plus célèbre d’entre eux : Le Manifeste du Parti Communiste de Marx et Engels. Ce n’est pas tant la démarche programmatique finale qui constitue le levier du Manifeste, mais les pages du début, consacrées à l’histoire de la lutte des classes d’une puissance narrative et visuelle tout à fait exceptionnelle.

Mieux que le Capital qui pose les bases théoriques la puissance du storytelling du Manifeste donne à voir comme si on y assistait. Comment après ces pages enflammées ne pas adhérer à la « disruption » proposée par les deux auteurs ?

La suite on la connaît : la « start-up » de Marx et Engels a prospéré, elle a même gagné très rapidement en scalabilité possédant un moment près de la moitié du monde (1)… Preuve de l’efficacité d’un manifeste bien pensé et bien produit qui aujourd’hui évidemment possède de nouveaux moyens pour être réalisé et diffusé.

(1) Même si, après quelques abus, il est vrai, son marché aujourd’hui s’est quelque peu rétréci…